En préparant un prochain article de blog, j’ai demandé à mon petit frère – qui sera bientôt papa – quels conseils il aimerait trouver sur mon blog pour son futur bébé en matière de motricité libre. Petit extrait choisi de notre conversation whatsapp :
Oui, commencer par le commencement, c’est une bonne idée, qu’est-ce que la motricité libre au fait ? Il me semble me rappeler qu’à son stade, avant d’avoir mon premier enfant, je ne faisais pas la différence entre un couffin, un cosy, une nacelle et un transat ! Alors la motricité libre, j’aurais sans doute eu à peu près la même réaction que mon petit novice de frère.
Mes quelques mots pour tenter de vulgariser le concept en mode texto ont eu le mérite de bien le résumer puisque quelques minutes plus loin mon frère me parlait du parc qu’on avait voulu lui donner. Je vous laisse lire sa réaction :
Mon petit frère ne maîtrisait pas le concept, mais sa réaction semble témoigner que la motricité libre doit avoir quelque chose d’intuitif et que naturellement, en tant que parents, on n’a pas forcément envie d’enfermer nos enfants. J’imagine qu’on a plus facilement cette approche “naturelle” lorsque par nos choix ou notre mode de vie, on est peu influencé par d’autres parents ou par d’autres manières de faire et de consommer. Ce qui correspond bien à l’état d’esprit de mon frère !
Evidemment, même si on est enclin intuitivement à aller vers la motricité libre pour son enfant, j’ai trouvé dommage de s’arrêter à ces quelques mots pour expliquer ce concept, qui est bien plus que ça, et j’ai sollicité l’expertise de Thomas et Cédrine : un couple de psychomotriciens et jeunes parents. C’est partie pour quelques questions :
Alors Cédrine, alors Thomas, c’est quoi la motricité libre ?
Le concept de motricité libre a été inventé par le Dr Emmi Pikler dans les années 1960. Le Dr Pikler est une pédiatre hongroise qui fut chargée de diriger une pouponnière accueillant des enfants âgés de quelques semaines à trois ans, l’Institut Loczy. Elle y mit en place un certain nombre de pratiques qui ont depuis été étudiées et reprises dans de nombreuses pouponnières et lieux d’accueil du jeune enfant. Elle découvrit ainsi que le développement moteur s’acquiert naturellement et dans un ordre précis, mais également qu’il faut laisser une certaine liberté de mouvements aux enfants car cela leur apporte un sentiment d’accomplissement et de sécurité. Un des points primordiaux est qu’il ne faut jamais empêcher un enfant de se mouvoir, ni mettre un enfant dans une position qu’il n’a pas encore acquise. Emmi Pikler affirme que si l’enfant est mis dans des positions inadéquates pour lesquelles il n’a pas fait les apprentissages moteurs nécessaires, la régulation tonique n’est pas adaptée et nous voyons apparaître des zones de crispations musculaires ainsi que des parties sous-stimulées et oubliées par l’enfant.
La motricité libre consiste donc à laisser l’enfant libre de ses mouvements afin de lui permettre d’explorer son corps et de se développer en toute confiance.
Le concept de motricité libre est donc né dans un lieu d’accueil de la petite enfance. L’association Pikler-Lozcy France forme d’ailleurs sur l’activité libre et plus largement à l’approche Piklerienne les professionnels de la petite enfance.
Mais nous, en tant que parents, que peut-on faire pour faciliter cette liberté de mouvement ?
- En tant que Parent, nous devons apprendre à observer notre petit-bout sans faire à sa place. L’environnement doit bien-sûr être préalablement sécurisé pour lui permettre d’y évoluer en toute quiétude.
- Privilégier un espace au sol adapté et de ne surtout pas l’enfermer ou l’entraver dans une position dont il ne peut se défaire (transats, trotteur/youpala, parc).
- Bien choisir ses vêtements et ses chaussures pour que ceux-ci n’entravent pas sa motricité.
- Permettre à notre enfant d’explorer son environnement pour ressentir ses sensations corporelles afin d’expérimenter ses limites et celles de son environnement.
- Lui offrir un environnement riche en possibilité d’expériences sensorielles (écouter, regarder, toucher, sentir, goûter, ressentir) et motrices.
- Laisser notre enfant évoluer à son rythme en le laissant passer à l’étape suivante de sa motricité de la façon qu’il le souhaite. Respecter les temps de pause, ainsi que des temps de retours en arrière en termes de compétences.
- Ne jamais le mettre dans une position qu’il n’a pas acquise seul, dont il ne peut s’enlever et qui entrave ses mouvements.
- L’accompagner lors de ses découvertes. Il ne s’agit pas de le laisser seul mais de l’encourager dans ses initiatives et de lui faire confiance.
Faire confiance à l’enfant : on a l’impression d’être davantage dans le champ psycho-affectif que dans la motricité qui semble relever de capacités physiques. Et pourtant…
Votre métier c’est la “psycho – motricité”, en quoi psychisme et motricité sont-ils liés ?
La psychomotricité considère que les fonctions motrices et l’état psychique, affectif et relationnel sont en lien et ont des effets les uns sur les autres. Elle est l’expression corporelle de notre vie psychique, affective, intellectuelle et relationnelle, tant dans son fonctionnement que dans sa structure. La psychomotricité est une thérapie à médiation corporelle qui a une visée préventive, rééducative ou thérapeutique. Elle cherche l’équilibre psycho-corporel de la personne et porte un regard sur le développement psychomoteur pour qu’il se passe le plus harmonieusement possible.
L’enfant a besoin pour se développer d’un attachement sécure, de valorisation de la part des personnes de son environnement (Figures parentales, assistantes maternelles, etc.), ainsi que de la possibilité de réaliser ses expériences dans un espace au sol adapté qui lui est réservé.
En gros, beaucoup d’amour et de la liberté ! Ça paraît une belle promesse dans laquelle – au moins en ce qui concerne l’amour – tous les parents se reconnaîtront. Le degré de liberté que l’on donne à nos enfants est sans doute un sujet plus clivant.
En quoi cette approche – la motricité libre – est-elle efficace ?
C’est une démarche plus respectueuse et à l’écoute du rythme, des besoins et de l’éveil de l’enfant. La confiance en soi et la conscience de soi sont fondamentalement soutenues par la motricité libre. En tant que psychomotriciens, nous nous appuyons sur le concept de motricité libre pour accompagner l’enfant dans ses découvertes. En tant que parent, nous trouvons intéressant de prendre en compte ces principes de développement pour accompagner notre enfant. L’intérêt est toujours de donner les meilleures conditions de découvertes (de soi et de l’espace) à l’enfant pour qu’il explore par lui-même ses propres capacités et schèmes de mouvements sans trop intervenir ni le sur-stimuler. L’enfant peut ainsi renforcer sa sécurité intérieure et améliorer son aisance corporelle et la connaissance de son environnement.
Merci à vous deux pour vos réponses complètes qui, je n’en doute pas, répondront aux préoccupations des parents qui passent par ici à la recherche d’informations autour de la motricité libre.
Cédrine est psychomotricienne en pédopsychiatrie dans le département du Vaucluse, elle est aussi conseillère en portage bébé formée AFPB et formée aux troubles neurosensoriels.
Thomas est Psychomotricien en libéral à Rognonas, dans le département des bouches du Rhône, il est aussi formateur et intervenant en crèche : https://www.psychomotricien-rognonas.fr/
Pour aller plus loin, Cédrine et Thomas vous proposent la bibliographie suivante :
- David Myriam et Appell Geneviève : « Loczy ou le maternage insolite », Broché.
- Pavy P. et Rault C. « Accompagner l’éveil psychomoteur de bébé », édition aider à grandir.
- Pikler Emmi : « Se mouvoir en liberté dès le premier âge » – Puf
Pour une version plus visuelle de l’information sur la motricité libre, je vous renvoie aux illustration de Virginie Maillard diffusées sur son blog Bougribouillons.
Pour une version vidéo, un super reportage relayée sur le site de Céline Alvarez sur la motricité libre. On y voit plein de bébés bouger librement !
Et une autre vidéo où l’on assiste à un change mené par une nurse de à Lozcy même : chez Pikler, répondre au besoin d’attention, de contact, d’amour du bébé en lui parlant, en le portant, en le nourrissant est indissociable de la liberté qu’on lui offre dans ses expérimentations motrices et de sa capacité à se développer d’un point de vue moteur. Pas besoin de comprendre le hongrois ni l’allemand pour constater l’attention qui est portée aux bébés à Loczy.
Et enfin, le blog ressource de Baby Mat’ et sa partie sur la motricité libre, qui fourmille de conseils concrets !
Crédit Photos : Juliana De Giacomi